24 mai 2010

Le carnaval chez les étudiants suédois

Cette année, j'ai un peu boudé le carnaval de Copenhague, et j'ai traversé l'Øresundbro comme je le fais très souvent, pour aller voir comment ça se passait chez nos chers voisins. C'est qu'à Lund, ville étudiante située à une vingtaine de kilomètres de Malmö, a lieu tous les 4 ans un carnaval complètement délirant organisé par les étudiants. Coup de bol, il tombait cette année, il ne fallait donc pas le rater. J'avais déjà visité Lund plusieurs fois, c'est une ville médiévale plutôt mignonne, mais franchement pas très grande. Et là, on aurait dit que tous les habitants de la région s'étaient donnés rendez-vous ici, les rues étaient vraiment noires de monde. Étant arrivée un peu tard, j'ai loupé le début du défilé, mais il y avait des trucs qui ne m'ont pas fait regretter le déplacement:


J'ai vu des danseurs...


encore des danseurs...


des musiciens...


un bateau pirate...


un camion avec des anarchistes dedans...


de la culture alternative...



le char médecine...


un char pour se moquer des trains de la SJ (chemins de fer suédois), 
avec sur la pancarte "L'Upsala de 13h65 n'arrive jamais"...


des types faire du toboggan sur un volcan islandais...


Mais mon préféré fut sans conteste le char des Svensson débordant de blondinettes et blondinets

Tout autour de lui caracolaient des machins typiques suédois, l'occasion de réviser les bases de la culture:
la vraie Suédoise




l'élan, l'animal emblème de la Suède


plus difficile: lui, il est déguisé en Dalahästen (cheval de Dalécarlie), une figurine traditionnelle



et elle, ce n'est pas du dentifrice, mais du kaviar (mixture infâme à tartiner)



enfin, il y avait une köttbulle (boulette de viande), un basique de la cuisine suédoise
(Elles sont aussi consommées en quantité au Danemark, où elles portent le nom de frikadeller)


Personnellement, j'aurais bien complété le tableau avec une patate (présente dans absolument TOUS les repas suédois) et avec du knäckebröd (les biscottes Wasa)... Allez, bon carnaval!


18 mai 2010

La palpitante histoire de la cité hippie (part 3)

Après votre petite visite à Christiania, vous n'avez probablement qu'une seule question en tête: comment est-ce-qu'une bande de hippies a pu s'installer durablement dans cet endroit rêvé sans qu'on les en chasse illico presto? Mais que fait la poliiiiice?

Hé bien la police a essayé, mais elle n’a pas réussi. Les squatteurs ont su mener une résistance pacifique, ponctuée d’actions politiques et de manifestations culturelles qui ont frappé les esprits de l’époque. Le contexte et la mentalité danoise ont aussi contribué à la survie de la Ville Libre, ce qui fait dire à beaucoup de gens qu’une telle expérience de vie alternative ne pouvait naître qu’au Danemark.

Mais pour comprendre, revenons 38 ans en arrière. Au commencement était donc ce fantastique terrain appartenant à l'armée danoise, qui fut laissé à l'abandon par les militaires qui n'en n'avaient plus besoin depuis la fin de la Deuxième Guerre Mondiale. Dans les années 70, éclata une crise du logement. Des gens commencèrent à s'introduire petit à petit dans la zone fantôme, d'abord sporadiquement, puis le 4 septembre 1971, ils détruisirent les barrières.

La prise de possession fut rendue publique par la déclaration d'un journaliste, Jacob Ludvigsen, qui proclama la fondation de la Ville Libre de Christiania dans le journal alternatif Hovedbladet, daté du 26 septembre. L’article intitulé « Émigrez avec le bus numéro 8 » propose que ces baraquements militaires soient utilisés pour loger pour les sans abris, tout en évoquant l'opportunité de construire une nouvelle société à partir de zéro. Ce qui était tout à fait dans les courants hippie, squatteur, collectiviste et anarchiste de l’époque. Ainsi il y eut une arrivée massive de gens qui voulaient un autre style de vie, c'est ainsi que Christiania naquit.

"Une ville dans la ville
Christiania
Pour toi et moi"

Alors bien entendu, ça ne se fit pas dans la douceur. La police tenta de les chasser plusieurs fois, sans succès. Ils durent abandonner devant la difficulté de la tâche: les gens étaient trop nombreux, et la zone trop grande. L'affaire prit un tournant politique et l’avenir de Christiania fut discuté au Parlement. En 1972, Christiania conclut un arrangement avec le ministère de la défense qui possédait le terrain. En échange du paiement de l'électricité et de l'eau, le gouvernement danois accepta l'occupation du terrain au nom d'une "expérience sociale". Une compétition fut lancée pour trouver des idées sur l'usage qui pouvait être fait de la zone.

Hélas, l'année suivante, un nouveau gouvernement fut amené au pouvoir, avec un tout autre avis sur la question : Christiania devait disparaître. La résistance s'organisa en petit groupes. Beaucoup d’actions politiques et d’événements culturels, en particulier théâtraux, furent organisés dans le but de faire parler de Christiania. Durant le sommet de l’OTAN, les membres de la troupe de théâtre Solvognen (le Chariot du Soleil) se déguisèrent en soldats de l’OTAN et effectuèrent des opérations militaires dans Copenhague. La supercherie fut révélée le soir même. L’événement fut immortalisé dans le film « Cinq Jours pour la Paix » de Niels Vest. En 1974, à l’occasion des élections municipales, les Christianites mirent en place douze listes n’appartenant à aucun parti et réussirent à chambouler les résultats. Une grande « barricade party » fut organisée avec la participation de nombreux artistes connus, de politiciens, de troupes de théâtre et de musiciens connus et inconnus. Le premier documentaire sur la lutte pour la survie de Christiania « Loi et Ordre à Christiania », toujours par le réalisateur Niels Vest, fut présenté dans de nombreux cinémas danois. Solvognen monta une armée de Pères Noël qui envahirent Copenhague et distribuèrent des cadeaux gratuits dans les grands magasins. Ils furent bien sur arrêtés, mais l'image de la police frappant les Pères Noël fit le tour du monde.

En 1976, Christiania engagea une action judiciaire contre l'État pour rupture de promesse: l’accord de 1973 sur le concours pour trouver des idées sur le futur de Christiania n’avait toujours pas été conclu, et la menace de la décision prise de nettoyer la zone planait toujours. Christiania fut défendue par un avocat de gauche, Carl Madsen qui soutenait leur combat pour la liberté. Mais en 1977, Christiania perdit le procès et fit appel à la Cour Suprême. Tout en continuant à se mobiliser le plus possible, avec l’exposition « Amour et Chaos » présentée à l’Académie Royale Danoise des Beaux-Arts, un disque de soutien « Notre Musique » et une grosse opération de restauration de la Ville Libre. Mais ils perdirent à nouveau leur procès l’année suivante. Ils montèrent un plan cherchant à mobiliser des centaines de milliers de gens, et se présentèrent à nouveau aux élections municipales. Ils réussirent à faire élire un représentant au Conseil Municipal, Thorkild Weiss Madsen, connu pour ses discours enflammés contre la spéculation immobilière et les destructions de bidonville au bulldozer.

Au même moment, la police de Copenhague chassait activement les junkies et les trafiquants de haschisch. C’était aussi l'époque où l'héroïne fut introduite au Danemark à grande échelle. Bien entendu, Christiania était la plaque tournante du marché de stupéfiants. Christiania essaya de coopérer avec la police pour débarrasser le marché des drogues dures mais la police préférait les raids violents contre les dealers. La Ville Libre décida alors de prendre l’affaire en mains et organisa un blocus en 1979 contre les vendeurs de drogues dures, et réussit à les expulser.



Mais la même année, un gouvernement conservateur-libéral arriva au pouvoir en même temps qu’une violente campagne de dénigrement partit de Suède, accusant Christiania d'être le contre du narcotrafic en Europe du nord, et la véritable racine du mal. Les Christianites répondirent avec une campagne « Love Sweden » les montrant s’emparant des trois plus grandes villes suédoises, Stockholm, Göteborg et Malmö dans des parades, des spectacles de cabaret et des expositions.

Christiania fut oubliée des politiques les années suivantes, ce qui lui permit de créer et de travailler sur sa vision de la vie alternative en toute tranquillité. Il y eu notamment des conférences et des actions de soutien aux peuples Amérindiens et Groenlandais. L’été 1986, Christiania publia le rapport « Voilà » prouvant que la cité était capable de maintenir ses infrastructures et de supporter ses institutions communes. En 1987, le gouvernement commença à mettre en place un plan de légalisation de Christiania, visant particulièrement les établissements publics. Une loi passa en 1989, décrivant un plan d’urbanisation divisant Christiania en deux parties, une dite « rurale » devant être vierge d’habitations, et l’autre dite « urbaine ». Les habitants protestèrent contre cette séparation en envoyant 90 objections. En soutien à cette résistance, une manifestation « Déclaration d’Amour » à la Ville Libre fut organisée. À cette occasion, Niels Vest réalisa le film « Christiania, tu as mon cœur ».



En septembre 1992, la police de Copenhague commença une nouvelle campagne de nettoyage du trafic de cannabis et créa pour l’occasion une patrouille spéciale de 70 policiers dédiés à Christiania. Les actions furent violentes et traumatisèrent les habitants de Christiania en créant un climat de peur et de suspicion. Cela ne fit pas diminuer le trafic pour autant et le gouvernement abandonna cette idée un an et demi plus tard après une grosse crise entre les habitants et le Ministre de la Justice.

Mais le Parlement continuait sa lutte contre la drogue sans distinction, et en 1994, il y eut la première « grève du chichon » où Pusher Street cessa ses activités durant 5 jours pour protester contre la politique répressive du gouvernement, tandis que les Christianites, les dealers et les consommateurs menèrent une campagne contre les drogues dures appelée « Plantez une Graine » faite de pétitions et de manifestations.

En 2001, un nouveau gouvernement fut élu, avec une large majorité de droite et d’extrême-droite. Tout comme leurs prédécesseurs 20 ans plus tôt, ils déclarèrent la guerre à Christiania avec comme projet en tête de construire 300 logements sur la zone. Pendant ce temps, la vie culturelle continuait à exploser à Christiania et plusieurs livres furent publiés dessus. La commission parlementaire dédiée réutilisa l’ancien concept de concours d’idées pour occuper la zone dans le but de la normaliser, tout en pointant du doigt le fait que les habitants de Christiania étaient plus dans le besoin, moins éduqués et plus chômeurs que le reste de la population. Une réponse cinglante ne se fit pas attendre, avec la publication d’un rapport prouvant que le système d’auto-administration de Christiania marchait et avait créé un vrai village fonctionnel avec plein de potentiel. Niels Vest tourna « Loi et Ordre à Christiania 2 », la suite de son film de 1974. En réaction à l’intensification de la campagne policière, les dealers de Pusher Street couvrirent leurs échoppes avec des tissus de camouflage afin de répondre ironiquement au désir du gouvernement que le trafic soit moins visible. Ils léguèrent même une de leurs cabanes au Musée National pour la postérité. 



Un sondage Gallup prouva que les trois quarts des Copenhagois voulaient conserver Christiania. Quand au concours d’idées lancé par le gouvernement, il s’avéra être un échec cuisant : aucun architecte connu ne voulu participer et toutes les projets proposés furent rejetés par les juges.

En 2004, le gouvernement réussit néanmoins à expulser les trafiquants de cannabis pour la première fois de l’histoire de Christiania. Ce qui eut pour conséquence de fragmenter le marché et de le répandre dans le reste de la ville. L’année 2005 notamment fut marquée par des affrontements violents de gangs dans le quartier populaire de Nørrebro.

Humour toujours à l'entrée du Månefiskeren


Aujourd’hui, la vente de haschisch et de marijuana est revenue dans Christiania, même si la police continue de passer de temps en temps.

"Pourquoi la médecine devrait-elle être interdite?"

 Manifestation de Christianites dans Copenhague


Toutefois, le doute plane encore sur le futur de la zone. Les Christianites restent vigilants, bien qu’ils bénéficient de nombreux soutiens. Leur slogan « Bevar Christiania » (Protégeons Christiania) est un phénomène de mode à l’échelle nationale.


L'attention que les médias lui portent est sans doute cela qui l'a sauvée, mais la Ville Libre devient de plus en plus touristique. Mais même si l'idéal communautaire a faibli en chemin et que la population de Christiania est vieillissante, l'endroit n'a toutefois pas perdu de son extraordinaire pouvoir de fascination.



Pour conclure en beauté ce petit historique, je ne résiste pas à la tentation de vous montrer des photos d'une superbe fresque murale relatant l'histoire de Christiania qu'on trouve dans la galerie d'art à l'entrée:




Dans le prochain numéro, je vous expliquerai comment s'est organisée la vie en communauté à Christiania!


Rappel des numéros précédents:
Partie 1: L'herbe est-elle vraiment plus verte à Christiania?
Partie 2: Poussez les portes tagguées et découvrez le vrai Christiania


Source principale de l'article: Guide de Christiania (en version papier pour 10 kr dans Christiania)

11 mai 2010

Mais qu'est-il arrivé à la Petite Sirène?

Oups, pus là! La mascotte de Copenhague est en effet en Chine en ce moment pour l'exposition universelle de Shanghai. Elle ne rentrera qu'en novembre. En attendant, voici ce qu'on a prévu pour les touristes en manque:

Ceci est une œuvre d'art pompeusement intitulée "Mermaid Exchange - Remote", 
par l'artiste chinois Ai Weiwei

C'est censé être une retransmission en direct via Internet du pavillon danois de l'expo. Bon alors, moi déjà je ne reconnais pas la Petite Sirène là, et puis si vous regardez la photo avec attention, vous remarquerez que la vidéo est... plantée!

Si vous voulez surprendre vos amis, amenez-les plutôt le long du Frederiksholms Kanal, à la hauteur du petit pont menant à Højbro Plads. Penchez-vous du côté de Christiansborg, et vous apercevrez ça:


C'est une sculpture dans l'eau exprès. Quand le niveau de l'eau est bas, on voit les crânes qui affleurent à la surface, c'est flippant. C'est de l'artiste danoise Suste Bonnén, et ce fut installé en 1992. L'étiquette sur le bord du pont indique comme titre "Agnete og Havmanden" (*) (Agnès et le Triton), d'après un autre conte de celui que vous connaissez tous à présent.



(*) Traduction anglaise proposée par le panneau sur le bord du canal: "The Merman with 7 Sons", curieux...

5 mai 2010

Celui qui habitait dans un scarabée géant

Un beau jour que je me baladais sans rien demander à personne sur les quais de Christianshavn, dans l'ancien quartier des dockers (d'ailleurs magnifiquement restauré de nos jours), je suis tombée sur un objet chelou:
C'est effectivement une cabane à pattes.

Renseignements pris auprès du jeune homme qui se trouvait à l'intérieur, il s'agit d'un projet scientifique et artistique nommé la Maison qui Marche, réalisé par un collectif d'artistes danois nommé N55, en collaboration avec des ingénieurs du MIT. Hé oui, ça se déplace tout seul, regardez la vidéo si vous ne me croyez pas:


Le bouzin étant bien sûr censé être écologique avant tout, tourne donc à l'énergie solaire et éolienne. Il comporte un lit, un mini salon, des chiottes (à compost évidemment), un poêle à bois et bien sûr un tas d'électronique. Ses papattes ont des vérins hydrauliques qui lui permettent d'atteindre la vitesse décoiffante de 5 km/h en pointe. Du coup on se demande si le projet a vraiment une ambition autre que purement artistique, (ou alors si c'est juste gros délire d'ingénieur).

Pfff, mais en fait tout ça, c'est fait exprès, car je cite le collectif: "il est connu que le fait de marcher aide souvent à concentrer ses pensées et à créer un état mental qui renforce la mobilité de l'esprit. La Maison qui Marche a été conçue pour bouger à la vitesse d'un muscle humain exprès pour ça" (*).

Il me semble que le gars m'a dit que le truc allait partir dans une expo bientôt, mais je ne me rappelle plus où. De toute façon, si vous en avez l'occasion, allez quand même vous balader sur ces quais, la promenade vaut le coup.


Et à un moment, vous passerez forcément devant le très célèbre restaurant Noma, qui a été carrément désigné "meilleur restaurant de la planète" le mois dernier par la revue britannique Restaurant Magazine. Si ça vous tente d'y dîner, sachez que la liste d'attente pour y avoir une table est de plusieurs mois!



(*) Texte original: "It is a common fact that walking often helps a person concentrate their thoughts and creates a mental state that enforces mobility of the mind. The Walking House is constructed to move at human muscle speed for exactly this reason."

3 mai 2010

Non, je ne vous ai pas oubliés!

Je sais je sais, ça fait plus d'un mois que je ne vous ai rien pondu. Ça ne voulait pas dire que j'étais en panne d'inspiration, bien au contraire, mais plutôt en manque de temps. J'étais partie en vacances, puis revenue, et repartie encore, pour me faire piéger par le fameux volcan. Après un long périple pour rentrer à Copenhague façon système D, je me suis à nouveau envolée pour un week-end, bref, je n'ai pas arrêté.  Ajoutez à cela la recherche d'un nouveau boulot, car mon contrat au Danemark se termine dans un mois. Voilà, c'est presque officiel, je rentre en France dans un mois, dans une région nouvelle pour moi (et gâtée par la météo celle-là, ça va me changer tiens). Cela ne m'empêchera pas de continuer mes articles, ne vous inquiétez pas, j'ai plein de stock!

En attendant, pour me faire pardonner, je partage avec vous une vidéo de l'anniv de la Reine Margrethe II qui a fêté ses 70 ans le 16 avril dernier (grosse teuf que j'ai lamentablement loupée à cause de l'autre islandais, là).